Qu'en est-il du bien-être des enseignants durant cette pandémie ?
Une lettre d'opinion de la professeure Nancy Goyette du Département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Par Nancy Goyette, Ph. D. [16/04/2020]
Le système d'éducation est mis à rude épreuve actuellement, puisqu'il se retrouve coincé entre le maintien d'un service essentiel pour la population et un manque de préparation pour bien déployer les ressources adéquates. Plusieurs voix du domaine déplorent cette situation, surtout en ce qui a trait à la plateforme ecoleouverte.ca, mais aussi par rapport aux différentes initiatives peu concertées de certaines écoles pour tenter de répondre aux attentes des parents inquiets du cheminement scolaire de leurs enfants.
Évidemment, cette conjoncture ne favorise pas le bien-être des enseignants qui, malgré toute la motivation du monde, peuvent nourrir un sentiment d'incompétence numérique, ou un inconfort psychologique et émotionnel. Dans un scénario où il est fort possible que l'école ne reprenne qu'en septembre, une question primordiale se pose alors: comment cultiver le bien-être des enseignants en temps de pandémie ?
Cultiver le bien-être en enseignement puise sa source dans le sens que les enseignants accordent à leur profession. Ce sens est intimement lié à des émotions positives générées par le lien qu'ils entretiennent avec les élèves et leurs collègues. Il est rattaché à un sentiment de compétence, à la passion et à l'engagement professionnel. Il est aussi enrichi par le sentiment de tenir un rôle significatif dans l'avenir de la société.
La situation actuelle est loin de créer du sens pour nos enseignants. Ils évoluent dans un système quelque peu chaotique où les attentes sont loin d'être claires sur le rôle qu'ils doivent jouer. On oublie peut-être que les enseignants ne sont pas seulement des techniciens pourvoyeurs de savoirs disciplinaires pour répondre aux attentes sociales. Ce sont des spécialistes de l'enseignement et de l'apprentissage qui forment les citoyens de demain.
Dans cette perspective, ne serait-il pas nécessaire que les décideurs en éducation initient un changement dans la gestion de cette catastrophe mondiale afin de donner aux enseignants un réel pouvoir et une autonomie professionnelle par la mise en place de solutions concertées et équitables pour l'avenir de notre société ? Valoriser les enseignants, ce serait de reconnaitre leur expertise en éducation afin de guider les actions collectives pour la poursuite du cheminement scolaire des élèves.
Certes, la formation à distance devient une avenue incontournable dans un contexte de confinement et de distanciation physique. Mais elle ne constitue pas la panacée et ne doit surtout pas être improvisée. Elle doit être réfléchie par les principaux acteurs qui auront à conjuguer avec toute sa complexité pour être en mesure de construire un nouveau sens du travail à effectuer en contexte de pandémie.
Alors, pourrions-nous consulter les enseignants du Québec pour nous enquérir de leurs besoins pour bien effectuer leurs tâches et adapter leurs interventions pédagogiques ? Pourrions-nous développer une stratégie provinciale pour septembre, tout en favorisant une concertation avec les milieux scolaires ? L'enjeu, dans le contexte actuel, c'est de définir avec eux des solutions concrètes et réalisables qui permettront à tous les élèves québécois d'obtenir une éducation de qualité. N'oublions pas que les enseignants constituent une assise indispensable du système de l'éducation et qu'ils devraient avoir la possibilité de déployer toute leur créativité pour l'améliorer.