Tannés d'en entendre parler
Dans le débat sur le racisme systémique, ce qui désole est qu'on a le sentiment d'être coupable par association.
Par Lionel Émard, prêtre [18/06/2020]
Quand nous étions jeunes – il y a de cela bien longtemps – nous avions ce qu'on appelait 'la retraite paroissiale'. La retraite paroissiale avait ceci de particulier, c'était un prêtre, venu de l'extérieur et qui appartenait à une communauté religieuse qui prêchait la retraite paroissiale. La retraite paroissiale était suivie par un assez grand nombre de paroissiens, jeunes et âgés, hommes et femmes; ça se comprenait, c'était la grande attraction annuelle pour la paroisse.
Habituellement, le prédicateur commençait la retraite en envoyant presque toute son assistance en enfer; certains avaient beaucoup d'imagination; un faisait installer un corbillard dans l'allée centrale de l'église, et demandait au mort, dont il avait eu la délicatesse de ne pas l'interpeler de son véritable nom, où il était maintenant? Et le mort de répondre: En enfer. Et le prédicateur décrivait ce que le mort avait fait pour en être rendue là; le bon prédicateur ratissait large dans sa description pour amener le plus de personnes à s'interroger s'il n'était pas un candidat pour l'enfer; dans ces sermons, les hommes avaient une place de choix.
À bien y penser, ces retraites annuelles avaient tout de même une dimension thérapeutique, les damnés, à la fin de la retraite, étaient sauvés, moyennement quelque bons actes de regrets et d'engagement à faire mieux à l'avenir. Les gens de ce temps-là ne se lassaient pas d'entendre ces prédicateurs pour deux raisons, ils savaient de quoi ils étaient accusés et comment ils pouvaient s'en sortir. Quand le prédicateur parlait de sacrure, de luxure et de champlure, l'assistance n'avait pas besoin de dictionnaire pour comprendre; les hommes, surtout, savaient de quoi et de qui il parlait.
Aujourd'hui, avec les nouveaux prédicateurs, nous ne savons pas trop de quoi on parle; ils parlent; on accuse de racisme systémique; c'est quoi le racisme systémique, qui accuse-t-on de racisme systémique? Bonne chance si tu peux le savoir. Interroge le politicien, le sociologue, le défenseur des droits et protection de toutes de catégories de personnes minorisées, tu auras diverses réponses, généralement incompréhensibles de la plupart des gens. En prêtant attention aux pontifes du racisme systémique, on constate que ces deux mots et bonne chance si tu cherches à te libérer du racisme systémique. Si tu appartiens à un groupe qui nie le racisme systémique, c'est bien de valeur pour toi, tu es un raciste qui s'ignore.
Dans le débat sur le racisme systémique, ce qui désole est qu'on a le sentiment d'être coupable par association, tu appartiens à une classe, à un groupe, dits privilégiés, tu es coupable de racisme systématique. Tu es coupable de ne pas 'comprendre'; tu es coupable de parler ou de te taire, dépendant avec qui tu parles, tu es coupable de ne pas monter aux barricades pour défendre la cause et quoi encore?
Hier, nous savions de quoi nous étions coupables et ce que nous devions faire pour nous libérer de notre culpabilité. Aujourd'hui, à entendre certains qui 'savent', nous, les Québécois, serions marqués par cette pandémie du racisme systémique. Comme nous ne savons pas de quel mal nous sommes affligés et ce que nous devons faire pour nous en libérer, pas étonnant que nous soyons tannés d'entendre parler de racisme systémique.