Durant et après la pandémie de la Covid-19 ?
Jusqu'où la peur nous conduira ?
Par Lionel Émard, prêtre [13/08/2020]
Pour mettre des mots sur ce que nous vivons en ce temps de la Covid-19, les mots des représentants religieux, des philosophes, des sociologues ou autres logues ne suffisent pas, pourquoi ne pas nous tourner vers les artistes des mots pour mettre des mots sur ce que nous vivons actuellement ?
Il y a près d'une quinzaine d'années, paru un roman sous le titre La route de Cormac McCarthy (1) Le roman se passe après une catastrophe nucléaire. Pour ce temps de pandémie, j'ai relu ce roman avec cette question: Comment les survivants de la catastrophe nucléaire ont-ils vécu cet événement ?
Le roman tourne autour de deux personnages, un enfant et son père qui traversent un monde dévasté par une catastrophe nucléaire; ils marchent des jours et des jours, en hiver, vers le Sud, car « il n'y avait pas moyen de survivre un autre hiver par ici. » (p.10)
Le ressort du roman tourne autour de deux mots : Confiance et peur. L'enfant est confiant, il n'a pas peur. Le père est méfiant, il a peur. Tout au long de leur traversée vers le Sud, ni l'enfant, ni le père ne parlent du froid, de la faim, de la fatigue qu'ils vivent. L'enfant souffre quand son père lui refuse qu'il amène avec lui un autre enfant, rencontré sur la route et qui souffre comme lui. La souffrance de l'enfant revient chaque fois qu'il croise d'autres personnes, comme cette dame âgée, ce vieillard, ce clochard et de combien d'autres qui ont tous en commun de fuir les conséquences de la catastrophe nucléaire. L'enfant souffre chaque fois que son père refuse qu'il accueille un étranger parce qu'il a peur.
La pandémie de la Covid-19 fait nous fait vivre la peur de contaminer l'autre, la peur d'être contaminé, cette peur conduit plusieurs vers la solitude. Où cette solitude les mènera ? A la fin du roman, l'enfant croise un dernier étranger; pour la première fois, l'enfant pose une question à un étranger, à la suite de cette qu'il avait faite, s'il peut être avec lui ? L'enfant de répondre par cette question: « Comment je peux être sûr que vous faites partie des gentils ? » C'était la question que l'enfant posait à son père chaque fois qu'il refusait d'accueillir l'autre. L'étranger de répondre: « Tu ne peux pas en être sûr. C'est un risque que tu dois prendre. » (p.242)
Cette bête, tapie à la porte (Genèse 4, 7) qu'est la peur de l'autre, la peur d'être contaminé ou de contaminer l'autre, où nous conduit-elle ? Jusqu'où la peur nous conduira ? Dans la question de l'enfant, dans la réponse de l'étranger, y-a-t-il un une route pour traverser cette pandémie de la Covid-19 ?
1 - MC CARTHY, Cormac. La route. Traduit de l'anglais (États-Unis). France, De l'Olivier, 2008, 245p.