Une démolition d'église qui libère la Parole ?
Les gens profiteront-ils de ce trou béant de l'église Saint-Thomas pour recueillir une Parole libérée et l'amener là où ils vivent et se rassemblent ?
Par Lionel Émard, prêtre [06/06/2016]
Jamais, l'église Saint-Thomas, à Pierreville, n'aura été aussi fréquentée depuis qu'on a commencé sa démolition ; on vient même de loin, comme Montréal et Québec, pour aller à l'église Saint-Thomas-de-Pierreville. Pourquoi ?
Dans son poème « La Parole », le poète-chansonnier, Raymond Lévesque écrit :
La Parole est entrée dans les églises
Et n'est jamais ressortie.
Et si les gens venaient de si loin ou de si proche, pour recueillir une Parole qui se libère à cause d'une démolition ?
Toujours, dans le même poème, Raymond Lévesque écrit :
Tous les dimanches les curés tirent la Parole de la sacristie
Et les gens viennent l'admirer de loin.
Lassés d'admirer de loin la Parole, les gens se sont éloignés des églises et errent çà et là, cherchant une parole qui parle. Les gens profiteront-ils de ce trou béant de l'église Saint-Thomas pour recueillir une Parole libérée et l'amener là où ils vivent et se rassemblent ?
Il faut l'espérer ! À Montréal, Place Émilie-Gamelin, à l'ombre du clocher de l'église Saint-Jacques, démolie depuis des années, le clochard et le curé, l'artiste et l'ouvrier parle et se parle ; il parle pour parler ; une parole libre circule, les gens l'accueillent librement et la donne librement ; chose étonnante, il y a toujours des gens dans cette aire de parole libre, hiver comme été, automne comme printemps, tandis qu'à l'église Saint-Thomas-de-Pierreville, comme dans toutes les autres églises, une seule parole est donnée, une seule parole est entendue. Les gens sont lassés d'entendre une parole prisonnière des murs de l'église.
Raymond Lévesque le laisse entendre, lorsqu'il écrit dans son poème :
Les églises sont des prisons où Dieu est enfermé avec son enseignement.
Quelque chose d'inattendu se produit, la Parole se libère par le trou béant causé par le pic des démolisseurs ; au-dessus de ce nuage de poussière et ce fatras de pierres qui tombent, des mots apparaissent : « Mais la Parole de Dieu n'est pas enchaînée. » (2 Tm 2, 9)