L'annonceur

CHRONIQUE

Entre pénombre et luminosité

Alors, qui est le meilleur ami du chien ?

NelsonNelson.

Par Mario Courchesne [23/02/2023]

LA VIE EN NOIR ET BLANC

Dis-moi pépère, tout en regardant de vieilles photos de famille, ça devait être plate dans votre ancien temps de toujours être habillé en noir et blanc. Il avait quatre ans. Je souris encore en y pensant. Hélas en ce moment, je ne souris pas à la vue des événements tragiques frappant aveuglément hommes, femmes et enfants qui happés par un destin cruel broient tout ce noir dans ce blanc maculé de sang. Je vous regarde, votre visage ne ment pas, il se fige comme celui de Buster Keaton, ce célèbre acteur de film muet qui à l'écran ne souriait jamais. Rôle qui s'annonce plutôt déprimant chers amis. Seriez-vous aux prises avec un blues hivernal qui tend à vous coller à la figure pour le restant de vos jours ? Comment le combattre sans trop de dommage collatéral ? Voyage dans le sud, fin de semaine au spa ? Plus simple et moins onéreux, tendre la main à plus mal en point serait assurément un baume bienfaisant pour votre âme en peine.

ESPÈCE EN VOIE DE ...

Tout en écoutant le Sacre du printemps d'Igor Stravinsky, un russe en passant, souhaitons que la GRC ne vienne m'interner pour avoir forniquer avec l'ennemi, la musique est plutôt libératrice qu'enfermement, donc tout en ayant cette musique en tête je faisais du ménage chez moi et d'un coup de balai, semblable à une incroyable sissonne arabesque de Nijinsky, fit revoler avec fracas sur un mur un vieux trente sous tout empoussiéré. Pauvre Élisabeth, elle a dû se retrouver le chapeau de travers dans son tombeau. Et quelle fut ma stupéfaction lorsque je tournai cette pièce de monnaie ? Le caribou n'y était plus, il avait disparu. Je me relève, passablement éberlué, et qu'est-ce que j'aperçois à la fenêtre ? Il était là à l'extérieur et me faisait signe de la tête de lui sauter dessus. Ce que je fis sans hésiter. Et nous partîmes vers je ne sais où pour aboutir dans un repaire de cette famille de Cervidé québécoise passablement décimée. Il y avait un feu de camp chaleureux et une grande tablée installée tout à côté avec des gens et des bêtes tout autour. J'y pris place et remarquai la présence de Charles, non pas notre cher monarque mal-aimé, mais Darwin lui-même en personne. Il prit la parole et affirma que la sélection naturelle fera disparaître nos chers vingt-cinq sous, mais pour nos précieux caribous forestiers cela dépendra de vous. Le lendemain je me réveillai quelque peu courbaturé avec le trente sous dans la main. Le caribou y était et un sourire il me fit.

RÉVOLUTION À L'ÉCOLE

En cette année mémorable de l'expo 67, Jean-François Gérardin, un beau grand bonhomme en provenance de Québec devient notre nouveau prof de religion pour notre classe de 9e année à l'école Maurault de Pierreville. À cette époque, la direction de l'école était bicéphale avec une sœur de l'Assomption, dont j'oublie le nom, pour le primaire et M. Jean Bécotte, un directeur laïc pour le secondaire. Tout au long de l'année, cette bicéphalie leur a causé bien des soucis. Or, pour revenir à Jean-François, lorsqu'on allait par obligation à reculons à l'église pour certaines célébrations, on remarqua qu'il ne faisait jamais de signes de la croix et ne récitait aucune des prières. C'est là que l'on a su qu'il était athée. D'après vous, la Commission scolaire a-t-elle omis de faire ses devoirs en ne s'informant pas adéquatement sur la personne engagée ? Si c'est le cas, ce fut un oubli des plus apprécié de la part des élèves, car il fut un être lumineux qui nous fit découvrir, entre autres, l'œuvre magistrale de Jacques Brel et nous partagea sa grande passion pour le volley-ball. Ce qui fut l'origine, de futures espèces, qui donna naissance et forma plus tard à l'école Jean-Nicolet de grands athlètes pierrevillois pour ce très beau sport d'équipe.

11 FÉVRIER

Durant cet hiver, deux de mes beaux-frères, Rémi et Denis avaient remarqué lors de leur randonnée de pêche sur la glace au lac Saint-Pierre un chien qui errait depuis plusieurs jours d'une cabane à l'autre. N'écoutant que leurs grands cœurs, ils lui donnèrent à manger la moitié de leurs diners et gros toutou repus se coucha près de la cabane pour s'y reposer. À leur retour, sachant que mon chien était mort l'automne précédent ils me parlent de ce gros pitou qui semble abandonné et me demande si j'aimerais l'adopter. Je dis oui. Le lendemain grosse tempête de neige. Ils partent quand même malgré la tourmente. Arrivés en lieu et place que du vent et de la poudrerie, et comme ils allaient repartir bredouilles, pouf gros pitou apparait comme par enchantement, il s'était emmitouflé sous la neige pour se garder bien au chaud. Lorsqu'ils sont revenus à la maison et que j'ai vu cette grosse boule poilue, toute noire vêtue, un magnifique terre-neuve, sur-le-champ je l'ai baptisé Nelson en l‘honneur de Nelson Mandela qui venait d'être libéré la journée même après vingt-sept ans d'emprisonnement. Alors durant vos moments sombres et ténébreux, pensez à ce grand humaniste pour qui la liberté et la dignité humaine étaient source de lumière.

ÉPILOGUE

Un an plus tard, lorsque la tornade du 27 août 1991 nous est passée au-dessus de la tête et avait voulu nous arracher de la traction terrestre en nous soulevant avec la maison vers une envolée funeste et mortelle, si je vous écris aujourd'hui je le dois à ce brave Nelson qui nous avait avertis grâce à son sentiment plusieurs minutes avant l'arrivée de ce grand vent, et c'est sa pesanteur, lui qui s'était réfugié sous la table de la cuisine, qui a donné un gros mal de cœur et éreinté cette abominable tornade. Alors, qui est le meilleur ami du chien ? Son instinct.

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