Vers une exclusion financière

Les conséquences des fermetures de guichets automatiques chez Desjardins pour les populations vulnérables.

L'inquiétude grandit également quant à la disparition progressive de l'argent comptant.
PHOTO JEAN GAGNON/ CREATIVE COMMONS

Par Émilie Poirier [12/04/2024]

La transformation numérique des institutions financières a engendré une série de fermetures de points de service et de guichets automatiques, laissant de nombreuses clientèles vulnérables dans l'incertitude quant à l'accès aux services bancaires essentiels. En effet, chez Desjardins seulement, c'est 30% de points de service et de guichets qui auront fermé leurs portes.

Ceci a déclenché une onde de choc dans de nombreuses communautés. Pour certains, ces « caisses » représentent bien plus qu'un simple lieu pour effectuer des transactions financières ; ils sont des piliers de la vie communautaire.

«C'est également dommage, parce que ces centres de services contribuent à la vitalité économique des communautés locales. Il s'agit d'une décision d'entreprise», déplorait la Fédération de l'Âge d'Or du Québec (FADOQ) en entrevue avec Radio-Canada. Nul besoin de chercher bien loin, internet regorge de témoignages de personnes âgées qui se sentent lésées par cette décision et qui vivent un stress face à ce changement majeur. Par contre, on apprend dans Le Devoir qu'au 31 décembre 2023, l'utilisation des comptoirs aux caisses ne représentait déjà plus que 1% du volume transactionnel, alors que les guichets n'en représentaient plus que 3% (selon ce qu'affirme Desjardins). Cette rationalisation opérée par les institutions financières trouve donc sa justification dans le déclin des transactions en personne et l'essor des services bancaires en ligne. Cette évolution est certainement efficace sur le plan économique, mais elle laisse de côté des clientèles qui dépendent encore largement des services traditionnels en personne et du retrait d'espèces.

En entrevue avec Radio-Canada, Nathalie Larue, première vice-présidente Services aux particuliers chez Mouvement Desjardins, mentionnait : «Nos membres interagissent de plus en plus avec Desjardins via les solutions numériques. On a vu des hausses importantes durant la période de la pandémie, quoique c'était une tendance qui avait cours depuis déjà plusieurs années.»

L'inquiétude grandit également quant à la disparition progressive de l'argent comptant. Pour de nombreux Canadiens à faible revenu, les pièces sonnantes et trébuchantes représentent une forme de contrôle financier et de budgétisation essentiels. La suppression de cette option les exposerait à des risques financiers et logistiques supplémentaires.

En l'absence de solutions viables pour ceux qui ne peuvent pas accéder aux services en ligne, la question des déserts financiers émerge. Les guichets automatiques privés, bien que présentés comme une alternative, imposent des frais considérables pour chaque transaction, ce qui aggrave la situation pour ceux qui vivent déjà des difficultés financières.

Face à ces enjeux, il est impératif que les gouvernements et les organismes de réglementation prennent des mesures pour garantir l'accès équitable aux services bancaires pour tous. Des politiques réglementaires plus strictes pourraient être nécessaires pour empêcher la fermeture arbitraire de succursales dans des régions défavorisées.

La fermeture croissante de points de service et de guichets automatiques par les institutions financières met en lumière les défis auxquels sont confrontées les clientèles vulnérables. Il est impératif que des mesures soient prises pour garantir que personne ne soit laissé pour compte dans cette ère de transformation numérique.